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jeudi 4 décembre 2025
Anzère 2040 Un mégalo-projet touristique pour qui, pourquoi ?
Anzère risque-t-elle de sacrifier sa montagne sur l’autel du divertissement à tout prix ? Derrière une étude dite « stratégique », coûteuse et prétendument participative, se profile un projet de transformation radicale de la station. Derrière les mots creux et les concepts prêts à l’emploi, c'est un Frankenstein touristique qui se prépare, marginalisant les résidents et remodelant la montagne en parc d’attractions.
Anzère 2040 : La montagne a accouché d’une souris – ou pire !
Il y a quelques mois, en prélude à la saison d’hiver, ceux qui font la politique touristique sur l’Adret valaisan nous livraient les conclusions d’une étude prétentieusement « stratégique » et faussement « participative », dont le but annoncé était de construire pour la station d’Anzère « un projet qui nous rassemble pour un avenir qui nous ressemble ».
Rien que cela ! Applaudissons la formule censée faire mouche, mais qui n’est – dans le langage politiquement correct et inclusif d’aujourd’hui – qu’un cache-sexe destiné à masquer une vérité qu’il ne faut ni dire ni montrer. En Suisse, notamment dans les régions de montagne valaisannes et bernoises, la pression liée au changement climatique, au boom des résidences secondaires et aux tendances du tourisme mondial ne cesse de s’accentuer. Les pistes de solution vont de la fiscalité aux limitations de visiteurs, en passant par des initiatives comme les « Alpine Sabbaticals ». Des initiatives fédérales, telles que la Lex Weber (limitant les résidences secondaires à 20 %), atténuent certains problèmes sans toutefois les résoudre.
Cette étude, confiée bien entendu à des « experts » venus d’ailleurs, censés tout savoir et tout comprendre, et auréolés d’une objectivité et d’une impartialité supposées irréprochables, illustre parfaitement l’adage : un consultant est quelqu’un qui vous demande votre montre pour vous dire l’heure, et que vous payez pour cette clairvoyance. Pour un peu plus de 40 000 CHF, le cabinet français Protourisme–BR Conseil a livré le rapport attendu, consultable sur le site d’Anzère Tourisme, le donneur d’ordre.
Le lecteur attentif ne pourra que constater que la souris dont la montagne a accouché n’a rien du projet rassembleur promis. Et il est permis de douter que cette « future station de rêve », imaginée par les promoteurs d’un tourisme de consommation de masse, corresponde aux attentes des quelques milliers de résidents secondaires. Leur voix a été soigneusement étouffée dans un processus bien huilé qui triait les intervenants, limitait leur temps de parole, ou – comme dans le cas de l’association Anzère R2 – les excluait purement et simplement de ce pseudo-dialogue. Les voix des habitants et des résidents secondaires sont systématiquement marginalisées par les plans des « experts » du tourisme
D’entrée de jeu, le parti pris est clair : il faut combattre les « lits froids » qui menaceraient l’équilibre économique de la station. Les coupables sont désignés : les propriétaires de résidences secondaires, séduits jadis par la promesse d’une station familiale – qui s’éloigne plus que jamais-, mais qui conservent égoïstement leur logement pour leur usage privé. Pire encore, selon le rapport, une partie des R2 adopterait « une attitude d'opposition difficile à intégrer dans la concertation et la co-construction du projet, rigide dans sa posture et nuisible pour l’écosystème station ». On ne pouvait évidemment pas attendre du consultant qu’il morde la main qui le nourrit – surtout quand cette main tient l’association Anzère R2 à l’écart du cercle décisionnel depuis des années.
Anzère compterait 8 666 lits, dont 60 % seraient « froids ». Le diagnostic établit, la solution est simple : Il n’y a qu’à augmenter le nombre de lits marchands et attirer une clientèle de passage par une offre de divertissement. Comment ? En multipliant les activités dites « ludiques » pour les « urbains aventuriers » et la génération Z – la génération Red Bull – consommateurs de loisirs « fun ».
En s’inspirant d’autres stations, dans un exercice de benchmarking si prisé des Politiques, l’étude propose un véritable catalogue façon « Club Med » ou « parc d’attractions » : installations ludiques éparpillées au Pas de Maimbré, aux Grillesses, aux Rousses, au lac de Tzeuzier… tout pour satisfaire les amateurs de sensations qu’il faut bien entendu amener au pied de celles-ci au moindre effort. Tant pis pour la belle montagne des Anzérois de souche ou de cœur, étrangement silencieux face à ce qui s’annonce comme un saccage.
Pour mettre en œuvre cette offre qualifiée d’«ambitieuse », il faudrait un budget de 20 à 25 millions de CHF – une somme parait-il modeste par rapport aux grandes stations – et créer une mégastructure de gouvernance centralisée à la hauteur de ces ambitions, regroupant toutes les instances existantes. Évidemment, pas un mot sur le financement concret, bien qu’il ne fasse pas de doute que ce sont les seconds résidents qui seront mis à contribution, ni sur les retombées économiques d’un court de padel, d’un parcours accrobranche, d’un pont himalayen ou d’autres miroirs aux alouettes.
Le conflit qui secoue Anzère autour du tourisme de masse, des « lits froids » et de la transformation d’espaces naturels en parcs d’attractions se retrouve dans de nombreuses régions touristiques suisses. Les problématiques récurrentes : surcharge de visiteurs, tensions entre habitants et propriétaires de résidences secondaires, arbitrage entre protection de la nature et pression économique et fiscale, ainsi que résistance au surtourisme, ne peuvent pas être balayées d’un revers de main par une étude pseudo-stratégique et pseudo-participative.
La conclusion de cette belle étude en technicolor, pas avare de bons mots, emprunte un aphorisme de Maurice Blondel pour achever d’emballer l’affaire : « L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare ». De quoi confirmer nos inquiétudes : nous sommes en plein constructivisme social. Les sachants décideront ce qui est bon pour nous – et pour eux – et nous dicteront la marche à suivre. Un dialogue constructif entre résidents secondaires, autorités et responsables du tourisme serait bien plus fructueux que leur exclusion systématique des projets d’avenir dans la région touristique d’Anzère.
Si la montagne n’avait accouché que d’une souris, on s’en accommoderait encore. Mais c’est un Frankenstein touristique qui se construit, et l’avenir qu’on nous prépare ressemble fort à celui de la Rome décadente : « du pain et des jeux »., au détriment de la nature, de la tranquillité et sans beaucoup d’égards pour ceux qui aiment véritablement ce lieu.
Anzère R2, Résidences secondaires
Paul Delahaut Albert Ulrich
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Bonjour a tous!
RépondreSupprimerMalheureusement nous sommes totalement lmpuissant devant ces personnages malhonnêtes et de mauvaises fois. A titre personnel nous boycottons toutes les entreprises et commerces de la région d' Ayent.
Bonnes fêtes !
… et le niveau de la taxe séjour ! Où est-elle aussi élevée ?
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